Madrid, 16 et 17 Novembre 1995
CONCLUSIONS
L’Association Europe & Entreprises organise tous les six mois un colloque sur un thème européen dont les conclusions sont transmises sous forme de propositions concrètes à la Commission ainsi qu’à la présidence de l’Union Européenne.
Traditionnellement, ces colloques se déroulent dans la capitale de l’Etat-membre de l’Union qui en préside les travaux.
Pour le colloque du deuxième semestre 1995, le thème choisi par l’A.E.E. portait sur le développement international des PME. Le colloque de Madrid des 16 et 17 novembre 1995 s’est tenu en présence, notamment, du Secrétaire d’Etat espagnol au commerce extérieur, Sr. D. Apolonio RUIZ LIGERO, et du Secrétaire d’Etat espagnol à l’Industrie, Sr. D. Juan Ignacio MOLTO GARCIA.
Pour la préparation des colloques précédents, l’A.E.E. confiait la tâche, à un groupe de travail ad hoc, de préparer des propositions, lues, modifiées et adoptées en séance. Dans le cadre des travaux préparatoires du colloque de Madrid, il a semblé plus judicieux d’organiser des panels élargis aux représentants d’entreprises, d’organisations professionnelles, d’autorités nationales et locales. Les conclusions présentées ci-après tiennent le plus grand compte de toutes les interventions.
Préalable indispensable à la présentation de pistes de réflexion sur le développement international des PME, l’A.E.E. propose à l’Union Européenne de revoir la définition de la PME. Dans l’ensemble des pays de l’Union et au niveau des institutions européennes, la définition qui est donnée des PME part toujours de critères quantitatifs, quels qu’ils soient (effectifs, chiffres d’affaires). Cette définition quantitative génère immanquablement un amalgame néfaste entre véritables PME et filiales de grands groupes. En réalité, la seule définition correcte de la PME doit porter sur la structure du capital de l’entreprise. C’est la première proposition concrète que présente l’A.E.E. (voir fiche numéro 1).
En ce qui concerne l’enjeu de l’internationalisation des PME, il apparaît clairement à l’issue des travaux préparatoires et de toutes les interventions en séance, qu’il existe un accord tacite entre autorités nationales et institutions européennes pour séparer artificiellement la politique "marché intérieur" de l’Union et les politiques nationales de commerce extérieur. Loin de ces considérations de politique, la réalité d’une PME veut que son développement international recouvre aussi bien les territoires des pays membres de l’Union que les marchés-tiers.
Pour une PME, quelle que soit sa nationalité, le marché domestique se réduit au marché national. La raison en est simple : il est aussi difficile pour une PME d’exporter ou de s’implanter dans un pays de l’Union que dans un pays tiers. Les options de développement commercial dépendront avant tout de la nature du bien ou du service qu’elle produit et des données de la concurrence sur les différents marchés étrangers qu’elle pourrait convoiter. En réalité, les actions nationales de soutien au commerce extérieur et le travail législatif réalisé au niveau européen pour libéraliser les échanges intracommunautaires sont liés et sont complémentaires. Il est urgent que l’Union Européenne s’intéresse enfin aux données macro et micro-économiques du développement international des PME, à commencer par leur développement sur le marché européen. En effet, on constate dans tous les pays de l’Union que les PME n’exportent pas et ne s’implantent pas à l’étranger autant que l’on pourrait l’imaginer (eu égard au potentiel qui est le leur). Il y va de la survie de bon nombre de PME. Et, si ce virage économique est une véritable nécessité, il faut également qu’il soit correctement maîtrisé. A cet égard, le Secrétaire d’Etat au commerce extérieur, Sr. D. Apolonio RUIZ LIGERO, s’est engagé à transmettre les réflexions que produira l’A.E.E. à ce sujet au Conseil des Ministres de l’Union. Ces réflexions sont consignées dans la fiche numéro 2.
Au-delà de l’argumentaire portant sur la justification d’une action concertée de l’Union dans ce domaine, il est important de noter que la problématique du développement international des PME doit susciter une prise de conscience au niveau des entreprises elles-mêmes.
Dans le premier cas, les Etats-membres dans leur ensemble doivent réfléchir à une réforme de leur dispositif d’appui au commerce extérieur : • de façon à mieux l’adapter aux contraintes, aux besoins et aux caractéristiques propres aux PME, • de façon à l’étendre, voire à le renforcer, sur le territoire des autres pays de l’Union (ce qui n’est pas exclusif d’une réforme touchant les réseaux en place dans les pays-tiers).
Dans le deuxième cas, les PME, avec le soutien des organisations professionnelles qui sont censées les représenter, doivent faire un effort conséquent pour prendre davantage d’initiatives privées, porteuses de développement international. Des échanges de savoir-faire et d’expériences devraient permettre d’emmener de plus en plus de PME sur les marchés étrangers et surtout dans de meilleures conditions. Des schémas pérennes d’organisation devraient être recherchés au travers de groupements d’entreprises. Ces pistes de réflexion sont développées dans la fiche numéro 3.
Le groupe de travail juridique de l’A.E.E. présente une série de propositions concrètes, visant à introduire dans l’ensemble des droits nationaux le système de réserve de propriété actuellement en vigueur en Allemagne. Ce système vise à protéger le vendeur d’un bien, jusqu’à ce que le paiement intégral de la vente lui revienne. Une directive adoptée au niveau européen permettrait d’harmoniser les droits nationaux en la matière. Cette proposition est présentée dans la fiche numéro 4. Enfin, le groupe plaide pour une automaticité et une simplification des aides à l’exportation. Cette approche est présentée dans la fiche numéro 5.
Fiche Numéro 1 : UNE NOUVELLE DEFINITION DE LA P.M.E. APPLICABLE AU NIVEAU NATIONAL ET AU NIVEAU EUROPEEN.
1) UNE NOUVELLE DEFINITION DE LA P.M.E. CRITERE EXCLUSIF : La constitution du capital : serait considérée comme P.M.E., l’entreprise dont le capital (tel qu’il est annoncé dans les statuts légaux) est détenu pour une part au moins équivalente à 51 % des parts par l’équipe dirigeante ; ainsi que les filiales détenues à + de 51 % des parts par une P.M.E. (définie suivant le même critère).
2) APPLICABLE AU NIVEAU NATIONAL ET AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE Première étape : adoption d’une directive européenne (ou d’un règlement) introduisant dans le droit national des sociétés cette définition de la P.M.E. Deuxième étape : modification des politiques nationales et européenne en faveur des P.M.E. pour tenir compte de cette nouvelle définition (régimes fiscaux, aides nationales et communautaires, etc.)
Fiche Numéro 2 : UN ENJEU POUR L1UNION EUROPEENNE : LE DEVELOPPEMENT INTERNATIONAL DES P.M.E..
1 - L’analyse qui est faite au niveau national sur la part des exportations réalisées par les P.M.E. inclut systématiquement les chiffres d’exportations vers les pays de l’Union Européenne. Les statistiques montrent qu’une part très importante des exportations d’un pays se fait vers le reste de l’Union Européenne (exemple : 70% du commerce extérieur espagnol se répartit sur les différents pays de l’Union). Mais, la grande majorité du commerce extérieur, pris dans son ensemble est le fait des grandes entreprises (80 à 90%). Il y a donc un problème général : les P.M.E. exportent très peu en exportation directe. La sous-traitance est une forme de participation au commerce extérieur d’un pays, mais elle entraîne également une dépendance à l’égard des donneurs d’ordre.
2 - Une majorité de P.M.E. connaissent des difficultés, voire des problèmes concrets, lorsqu’elles décident d’exporter ou de s’implanter dans un autre Etat-membre de l’Union (obtenir la bonne information sur les marchés, normes techniques et démarches administratives, concurrence étrangère et politique de prix, coûts du transport, difficultés à trouver de bons partenaires, problème culturel lié au manque de connaissance d’une autre mentalité nationale).
3 - Si le marché intérieur de l’Union Européenne devait se faire uniquement grâce aux grandes entreprises, l’Europe n’aurait pas beaucoup de sens. L’enjeu est donc de taille. Une réflexion d’ensemble sur les données macro et micro-économiques de cette problématique, doit être menée au niveau européen pour rechercher des solutions à cette faiblesse structurelle du tissu européen des P.M.E.. Jusqu’à présent, la faiblesse de l’internationalisation des P.M.E. n’a pas été suffisamment relevée. La responsabilité n’en incombe pas aux institutions européennes : ce n’est pas parce que l’Europe ne s’est pas assez intéressée au développement international des P.M.E. que celles-ci ne sont pas assez internationalisées. Mais, étant donné que l’on commence à prendre conscience de cette faiblesse et des implications qu’elle a sur la dynamique des échanges économiques au sein de l’Union, il est important que les Etats-membres de l’Union commencent à réfléchir ensemble à ce problème. La première étape devrait en toute logique permettre de réunir des informations quantitatives et qualitatives sur la situation pays par pays. La deuxième étape pourrait être de revoir la distinction hermétique qui est faite à l’heure actuelle entre marché intérieur et commerce extérieur. L’Union Européenne pourrait prendre des mesures économiques et financières destinées à stimuler le développement européen des P.M.E.. Une nouvelle répartition de compétences entre Etats-membres et Union Européenne en découlerait.
Fiche Numéro 3 : UNE DOUBLE PRISE DE CONSCIENCE : AU NIVEAU DES ETATS-MEMBRES, AU NIVEAU DES ENTREPRISES ET DES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES.
1) AU NIVEAU DES ETATS-MEMBRES La transparence et l’efficacité du dispositif d’appui aux entreprises : même s’il s’agit à l’heure actuelle d’une compétence "exclusive" des Etats-membres, cette recommandation semble être justifiée pour de nombreux pays qui ont laissé se multiplier les organisations et les dispositifs d’aides à l’exportation. Certains pays sont déjà plus efficaces que d’autres. Ne serait-il pas judicieux d’organiser des échanges d’expériences et des actions communes dans certains cas ? Dans l’ensemble, les analyses quantitatives et qualitatives montrent toujours la même chose : si nos dispositifs étaient si performants, pourquoi la proportion de P.M.E. exportatrices et/ou internationalisées est-elle si faible ? Plutôt que d’apporter de l’information juridique (droit communautaire, droits nationaux) et des aides financières dont les critères d’attribution sont souvent pervers, plutôt que d’apporter des études de marché sectorielles souvent trop générales, la P.M.E. a besoin d’être conseillée et accompagnée dans sa démarche de développement à l’étranger. Le conseil et l’accompagnement n’est pas nécessairement du ressort de l’Etat ou d’organismes publics. Mais l’état et ses établissements pourraient favoriser systématiquement les approches globales qui apportent aux P.M.E. un soutien véritable. Favoriser un environnement économique favorable au développement international des P.M.E. : dans le cadre de la politique économique de chaque Etat-membre, un certain nombre de mesures incitatives (fiscalité, financement bancaire, dispositions concernant l’embauche, amortissement des investissements immatériels) pourraient être prises pour rendre moins coûteuses les démarches de développement à l’étranger engagées par les P.M.E.. D’où, l’utilité d’avoir une définition correcte de la P.M.E. qui s’applique à tous les niveaux de l’action publique.
2) AU NIVEAU DES ENTREPRISES ET DES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES. Comment susciter un véritable sursaut de la part des P.M.E. ? Toutes les réflexions nationales concordent : au départ, le développement international d’une P.M.E. repose sur la volonté personnelle du "patron". Question d’attitude, la motivation personnelle du patron de P.M.E. est la véritable condition sine qua non pour qu’une P.M.E. décide d’exporter ou de s’implanter à l’étranger. En effet, la structure interne d’une P.M.E. et les risques financiers liés aux opérations réalisées à l’étranger expliquent qu’aucun patron de P.M.E. n’ira à l’international s’il n’en est pas intimement convaincu et s’il ne le désire pas profondément. Les messages les plus puissants à cet égard sont donc des messages de chefs d’entreprise à chefs d’entreprise, avec des exemples concrets de réussite et des solutions pratiques d’organisation au sein de l’entreprise ou sous forme de groupement d’entreprises. Les P.M.E. n’échapperont pas à la nécessité de se prendre en main et d’organiser entre elles les conditions de réussite de leur développement international. Sous quelle forme ? C’est la réponse qui reste à trouver.
Fiche Numéro 4 : PROTECTION DU VENDEUR DE BIENS MOBILIERS ET CRÉDIT-ACHETEUR OU RELATION VENDEUR-ACHETEUR-BANQUIER DANS L’UNION EUROPÉENNE
1 - GENERALITES Dans certains pays de l’U.E. la propriété de la chose vendue est transmise avant son paiement. Deux graves inconvénients, parmi d’autres : a) Le vendeur impayé est obligé d’intenter une action coûteuse en résolution de la vente pour pouvoir revendiquer la marchandise. En cas de faillite de l’acheteur la P.M.E./P.M.I. est simple créancier chirographaire, très souvent sans espoir d’être payée, même partiellement. b) Souvent, l’acheteur exige des délais de paiement que doit accorder le vendeur pour des raisons de concurrence. Ce dernier devient le banquier de ses clients (crédit-fournisseur ou inter-entreprises) ce qui est dangereux, coûteux et entraîne des faillites en cascades.
2 - REMEDE La réserve de propriété, en faveur du vendeur, jusqu’au parfait paiement, si elle est pratiquée avec plus ou moins d’effets dans certains pays tels que la France, la Belgique, l’Italie, rencontre par contre plus de succès en Hollande et en Grande-Bretagne. C’est en Allemagne qu’elle est le plus utilisée en raison des différentes protections offertes et de leur efficacité.
3 - C’est pourquoi nous examinons très succinctement, à titre d’exemple, le système allemand, le plus complet semble-t-il. Le contrat de transfert de la propriété (Ubertragungsvertrag) permet de généraliser le maintien de la propriété au vendeur (réserve de propriété simple ou Eigentumsvorbehalt). Le vendeur lorsqu’il est impayé, ce qui n’est pas très fréquent, revendique directement la marchandise puisqu’elle lui appartient. La réserve de propriété élargie (Erweiterter Eigentumsvorbehalt ) protège le vendeur jusqu’au paiement du prix de la vente et d’autres créances du vendeur sur l’acheteur. Lorsque l’acheteur désire transformer la marchandise, il le peut. Le vendeur accorde une réserve de propriété avec clause de transformation (Verarbeitungsklausel) qui continue de protéger ce dernier avec la même efficacité. L’acheteur est alors considéré comme le façonnier du vendeur. En cas de revente par l’acheteur, le vendeur consentant peut bénéficier d’une réserve de propriété prolongée (Verlängerter Eigentumsvorbehalt) soit de la cession de la créance à naître du premier acheteur sur le second.
3.1 - EFFETS DE LA RESERVE DE PROPRIETE Transfert de la possession sans la propriété à l’acheteur simple dépositaire, qui est sévèrement puni s’il ne respecte pas le contrat (abus de confiance, escroquerie... etc.). Le vendeur peut revendiquer la chose sans avoir besoin de résilier le contrat. Intérêt de l’acheteur : régler le plus vite le prix pour pouvoir revendre (sauf réserve de propriété prolongée). L’escompte (Skonto) accordé par le vendeur payé comptant dépasse le taux d’intérêt bancaire. Le sous-acquéreur qui ne s’est pas soucié de l’existence d’une réserve de propriété, n’est pas de bonne foi . Le propriétaire peut revendiquer sans problème la marchandise. En cas de faillite de l’acheteur le vendeur bénéficie de la meilleure protection puisqu’il est propriétaire de la chose, que le syndic de la faillite doit lui restituer à moins qu’il ne la paie. Cloisonnement des faillites.... etc.
3.2 - REMPLACEMENT DU CREDIT-FOURNISSEUR PAR LE CREDIT- ACHETEUR L’acheteur emprunte tout naturellement à sa banque pour régler comptant la marchandise. Le banquier est garanti par le transfert fiduciaire de la propriété de la chose elle-même (Sicherungseigentum) ou par la cession de créances à naître des reventes (Sicherungszession) (1). Il y a deux modalités largement pratiquées de cette cession (2) :
cession unique pour des créances bien définies (Einmalige Abretung),
cession unique globale portant sur un ensemble de créances à naître renouvelables ou Globalzession (exemple : clients de telle ville de C à F). Il bénéficie souvent de garanties dépassant le prêt bancaire, par exemple en raison d’une hypothèque générale de négociation aisée (Grundschuld).
3.3 - PUBLICITE - FORME Pas de publicité des différentes clauses de réserve de propriété, ce qui traduit une simplicité voulue. Pas de forme particulière requise entre les parties.
3.4 - CONCLUSION Le système allemand, qui repose sur le transfert de la possession à l’acheteur sans la propriété et le transfert fiduciaire de la propriété sans la possession, offre une grande sécurité au vendeur et au banquier tout en utilisant le crédit-acheteur moins coûteux, plus sûr et mieux adapté, puisque accordé par des professionnels, que ne l’est le crédit-fournisseur ou inter-entreprises.
IV - PROPOSITION Demander à Bruxelles d’examiner, en partant des acquis existants dans l’U.E, comment instituer ou généraliser dans cette dernière des mesures simples, par exemple la réserve de propriété sous différents aspects appropriés, protégeant le vendeur le cas échéant aussi bien dans son propre pays que dans les autres états membres tout en développant le crédit-acheteur au détriment du crédit-fournisseur lorsque ce dernier est pratiqué.
(1) Découle de la R.P. prolongée (2) Une modalité à deux étapes juridiques est peu utilisée, soit un contrat d1obligation générale de céder des créances à naître (Mantelzession) et des contrats particuliers de cessions de créances nées.
Fiche Numéro 5 : POUR UNE AUTOMATICITE DES AIDES A L’EXPORTATION.
Il s’agit de substituer un contrôle à posteriori sur l’activité de l’entreprise à l’actuel système de contrôle préalable. Toutes les entreprises qui remplissent les critères imposés devraient pouvoir automatiquement bénéficier de ces soutiens. Seraient notamment concernés le coût des dépenses de prospection et de participation à des manifestations économiques à l’étranger pour les entreprises